Les gentils rennes de Nez Rouge Neuchâtel vont reprendre la route dès cette fin de semaine. Près de 250 bénévoles seront mobilisés pour ramener les fêtards à bon port. Président de la section, Alain Müller détaille les défis à relever cette année. Il est l’invité de notre Grand entretien.

Photo: David Marchon
Le grand entretien
Alain Müller
"Nous voulons zéro accident durant ces fêtes"
Pour garantir un service sûr, Nez Rouge Neuchâtel relève plusieurs défis: mobiliser près de 250 bénévoles, s’adapter aux nouveaux comportements des jeunes et composer avec les véhicules électriques. Son président, Alain Müller, détaille ces enjeux, avant de reprendre du service.
Article de: Anabelle Bourquin

L'an dernier, Nez Rouge Neuchâtel a raccompagné près de 1100 personnes et totalisé environ 22 200 kilomètres, se félicite son président Alain Müller.
Photo: David Marchon
Nez Rouge Neuchâtel s’apprête à reprendre la route dès le 5 décembre. Mais assurer un service fiable et sécurisant ne repose pas uniquement sur l’engagement de volontaires. L’opération exige aussi une adaptation constante: formation à la conduite des nouveaux types de véhicules, actions ciblées pour mieux toucher les jeunes.
Dans l’immédiat, le président de la section, Alain Müller, doit pouvoir répondre à la demande des clients. Cela passe par près de 250 bénévoles à mobiliser.
Alain Müller, Nez Rouge Neuchâtel offrira ses services dès le 5 décembre dans le canton. Près de 550 «postes» à occuper sur trois semaines. Quel est le principal défi pour mener cette opération à bien?
L’organisation est rodée, c’est du copier-coller d’année en année. Mais le vrai combat, c’est la recherche de bénévoles. Nous en recherchons environ 250 pour remplir notre planning, en partant du principe qu’une personne peut participer à deux soirées. Aujourd’hui, il nous en manque encore près de la moitié, surtout des accompagnants.
Contrairement à d’autres sections, qui tournent par équipes de deux, vous maintenez des équipes de trois bénévoles pour raccompagner les clients. Les réduire ne pourrait pas soulager votre organisation?
Nous préférons maintenir nos équipes de trois bénévoles, pour des raisons de sécurité et de fonctionnement. Le chauffeur Nez Rouge amène l’équipe, le chauffeur-client ramène le client et son véhicule, et l’accompagnant, qui est le poste auquel d’autres sections ont renoncé, circule avec le chauffeur-client et sert de garde-fou.
Selon sur qui on tombe, il est préférable d’avoir une personne pour sécuriser le trajet, bien que nous n’ayons jamais eu de client méchant. Cet accompagnant garde aussi le contact avec l’antenne, vérifie les états de fatigue. Il est le lien humain.
Vous parlez de trajets sécurisés. Les comportements problématiques sont-ils fréquents?
Ils restent au contraire très rares: un client un peu trop insistant mais aussi un bénévole trop entreprenant. Si nos bénévoles craignent pour leur sécurité, ils sont libres de refuser une course – mais ce cas de figure ne s’est jamais présenté.
Nous avons une charte éthique: les coordonnées utiles à la course, comme le numéro de téléphone du client, doivent rester confidentielles. Libre à ce dernier de les donner. Un bénévole a même trouvé du travail en raccompagnant un cadre d’entreprise.
Vos interventions sont-elles principalement dues à l’alcool?
Nous ramenons surtout des gens qui ont peur d’avoir trop bu! Certaines personnes âgées appréhendent aussi de conduire de nuit, d’autres sont fatiguées ou sous médicaments.
La demande pour Nez Rouge est en baisse depuis quelques années. Pourquoi?
Le Covid a changé les habitudes de sorties des gens. Ensuite, la nouvelle génération s’organise différemment. Souvent, les jeunes dorment sur place. Nous constatons aussi que le permis à l’essai joue un rôle important: c’est zéro consommation d’alcool. Dès lors, ils ne sollicitent pas nos services. Mais il y a aussi une méconnaissance de nos services. Nous menons donc un important travail pour nous faire connaître d’eux.
La nouvelle génération s’organise différemment. Nous constatons aussi que le permis à l’essai joue un rôle important.
Jeunesse prudente, constat réjouissant, non?
Le jour où Nez Rouge n’aura plus de travail, nous aurons atteint notre but de prévention. Oui, c’est encourageant. Pour le moment, il reste de la demande et notre rôle est utile. Nous voulons zéro accident durant ces Fêtes.
Comment comptez-vous toucher ces jeunes qui ne connaissent pas Nez Rouge?
Nous devons utiliser leurs canaux, à savoir les réseaux sociaux. Une campagne est en train de se mettre en route. Nous aurions aussi eu besoin de l’appui d’écoles supérieures, de professeurs d’auto-école, afin qu’ils distribuent des flyers. Malheureusement, contrairement aux bars et restaurants, ils n’ont pas souhaité jouer le jeu.
Quel contact avez-vous avec les jeunes qui vous appellent? Plutôt la «honte» face aux potes, plutôt un heureux souvenir?
Je me souviens avoir ramené une magnifique WV Golf qui coûtait bien cher. A son bord, une bande de potes. Ils riaient. L’un d’eux a félicité le conducteur d’avoir appelé Nez Rouge, parce que celui-ci avait, auparavant, «fracassé cinq voitures», selon ce qu’il se disait. Il n’y avait pas de honte, de la rigolade, et des économies…
Concernant la conduite de nouveaux types de véhicules, nous réfléchissons à proposer des cours avec le TCS, l’un de nos partenaires.
Les nouveaux types de véhicules, notamment électriques, nécessitent une autre approche de conduite. Comment vos bénévoles s’y adaptent-ils?
Cela demande effectivement une certaine adaptation, surtout les véhicules électriques dont le frein moteur est très puissant. Cela surprend. Nous réfléchissons à proposer des cours avec le TCS, l’un de nos partenaires.
Car cela pourrait vous arriver de refuser des courses, par exemple si le véhicule semble trop compliqué à conduire?
Pas dans ce cas de figure. Nous trouverons un bénévole apte à le conduire. Nous refusons d’autres choses, comme faire le taxi: pas de détours importants, pas de déposes multiples le long d’un trajet, pas de prise en charge du client loin de son véhicule. Nous vérifions aussi l’état de la voiture avant d’embarquer. Il ne faut pas oublier que le bénévole engage son permis lorsqu’il prend le volant.
Des demandes saugrenues?
Certains nous demandent de les ramener alors qu’ils n’ont pas de voiture. D’autres se trompent d’adresse et nous conduisent chez leur ex… Parfois, il faut commencer par faire le plein. Mais cela reste toujours un très bon souvenir!
Comment fidélisez-vous vos équipes?
La majorité de nos bénévoles restent fidèles. L’ambiance y est pour beaucoup. Repas chaud offert, jeux de société pour patienter, et un grand repas pour les remercier au terme de la campagne.
Et côté finances?
L’opération coûte 25 000 à 30 000 francs par an pour Neuchâtel. Nous avons cette chance que la Commune de Cortaillod prête gratuitement les locaux. Les repas et le carburant représentent un poste important. Les coûts plus conséquents sont pris en charge au niveau national grâce aux sponsors.
Les dons des clients tournent autour de 30 à 35 francs en moyenne par course. Cela nous aide à tourner.
Article: Annabelle Bourquin
Photos: David Marchon
Article ArcInfo du 29.11.2025
Source: Site Arcinfo [PDF]